Allocution de M. le Haut-Commissaire de la République - 11 février 2021

Mis à jour le 19/02/2021

Seul le prononcé fait foi

Mesdames et Messieurs,

Nous voici une fois de plus réunis avec le président Edouard FRITCH pour vous présenter la situation dans laquelle se trouve la Polynésie dans la lutte contre le Covid-19, près d’un an après le déclenchement d’une crise sanitaire planétaire dont vous connaissez tous désormais l’ampleur exceptionnelle et la gravité incontestable :

Près de 2,4 millions de personnes décédées, 192 pays officiellement touchés, plus de 106 millions de personnes malades.

Ainsi que nous vous l’avions indiqué le 15 janvier 2021, l’apparition brutale des formes variantes du virus, très infectieuses, est venue perturber les analyses et stratégies en raison du risque de la survenue d’une « troisième vague » de contaminations dans les pays concernés, notamment dans une Europe et des Etats-Unis déjà durement éprouvés.

Le monde qui nous entoure s’est donc révélé bien plus vulnérable face au Covid que nous ne l’aurions cru il y a quelques mois.

Face à ce constat, nous devons faire le maximum pour éviter que les variants se répandent sur notre territoire.

C’est pourquoi l’État et le Pays ont décidé ensemble de renforcer la défense sanitaire de la Polynésie avec 3 objectifs.

-La première ligne de défense sanitaire est celle consistant à réduire au maximum les risques d’arrivée des variants

Cela implique de réduire considérablement les possibilités de se rendre depuis n’importe quel point de la planète sur l’un de nos 5 archipels.

C’est le sens de l’instauration des « motifs impérieux ».

Ainsi, depuis le 3 février, les seules personnes justifiant d’une raison impérieuse sur les plans personnel, familial, de santé ou professionnel peuvent accéder à la Polynésie.

J’ai donné, par-delà les contrôles faits par la police à Roissy, des instructions très claires à la police aux frontières à Faa’a pour que les contrôles soient rigoureux et systématiques : deux étrangers se sont vu refuser l’accès au territoire et sept verbalisations ont été dressées.

L’idée appliquée est simple : les déplacements sont en principe interdits en Polynésie, sauf cas de force majeure dûment justifié et accompagné d’attestations et de preuves.

-La deuxième ligne de défense sanitaire est la quatorzaine décidée par le Pays.

Depuis le mardi 9 février, les nouveaux arrivants devront respecter une quatorzaine contrôlée effectuée dans les hôtels choisis par le Pays ou à domicile à Tahiti lorsque les logements remplissent les conditions sanitaires.

J’ai d’ores et déjà signé 98 décisions individuelles de mise en quarantaine, sur proposition de l’autorité de santé du Pays.

Les services de l’Etat sont largement mobilisés avec le Pays pour s’assurer qu’à l’arrivée à l’aéroport de Faa’a, les personnes soient prises en charge et respectent immédiatement les conditions de leur quarantaine.

Les tavanas seront informés au fur et à mesure par mes services des personnes qui sont isolées à leur domicile sur leur commune.

Les forces de police municipales, la gendarmerie et la DSP contrôleront régulièrement le respect de la quarantaine et les sanctions peuvent être très lourdes en cas de non-respect des arrêtés de placement.

Si certains voyageurs refusent d’accepter ces nouvelles conditions à leur arrivée sur le territoire, ils ne pourront tout simplement pas embarquer et être admis en Polynésie.

Au total, ces dispositifs ont fait chuter de manière importante les déplacements de passagers à destination de la Polynésie, et seuls les avions qui sont essentiels pour la vie du territoire et le retour de certaines personnes seront maintenus.

Il s’agit par exemple des évacuations sanitaires qui doivent pouvoir se dérouler quand une vie est gravement et immédiatement menacée ou des techniciens dont la compétence rare et spécifique est indispensable pour rétablir un équipement d’importance vitale pour la population.

Il s’agit donc de mesures de protection à très haut niveau d’exigence et de contrainte, nous en sommes parfaitement conscients avec le président de la Polynésie.

Elles étaient cependant nécessaires et urgentes pour mieux nous protéger car nous avons pu découvrir en début de semaine qu’un voyageur arrivé avant la mise en œuvre du nouveau « sas sanitaire » avait été testé positif à une forme variante du Covid.

 Le malade est actuellement confiné et rien n’indique à ce stade qu’il ait pu contaminer d’autres personnes. Une surveillance active est bien entendu en cours sous l’égide du Bureau de Veille Sanitaire.

- La troisième ligne de défense consiste à vacciner la population.

La Polynésie française a une stratégie de vaccination ambitieuse en la matière parce que c’est le seul moyen raisonnable de sortir un jour de la crise comme dans tous les pays.

Avec 22 230 doses de vaccin livrées à ce jour au Pays, l’Etat a répondu à la hauteur des besoins de la première phase projetée par le ministère de la santé.

A ce jour, 40 % des doses destinées à la première injection ont été utilisées (4119 primo injections + 770 secondes injections).

Nous faisons actuellement le nécessaire, avec le président, pour obtenir des livraisons régulières de la part du ministère de la santé à Paris pour parvenir à l’objectif de 80 000 personnes vaccinées en Polynésie au mois d’août prochain.

Cela se fera par une montée en puissance progressive des livraisons de vaccins au cours des prochaines semaines et des prochains mois compte tenu des capacités de production des laboratoires au niveau mondial.

*

En Polynésie où le tourisme représente de 10-12% du PIB et près de 12 000 emplois, les nouvelles mesures sanitaires adoptées par l’État et le Pays ont des conséquences immédiates et importantes sur la vie économique et sociale.

La stratégie de l’État et du Pays n’a pas varié et consiste à protéger la santé et à soutenir l’activité grâce à l’ensemble des leviers disponibles.

Je vous en rappelle les deux fondamentaux s’agissant de l’Etat :

Le premier axe du « bouclier économique » mis en place par l’État est le fonds de solidarité.

Le cap des 8 milliards XFP a été dépassé cette semaine et la DFIP va verser rapidement les aides attendues par les chefs d’entreprises et les indépendants.

D’abord mis au service des plus petites entreprises, le Fonds de solidarité a été étendu à toutes les entreprises et bénéficie aux commerces, restaurateurs ou encore aux activités touristiques.

L’aide mensuelle, basée par la perte de chiffre d’affaires, va de 1,2 millions XFP à 24 millions XFP et la DFIP a encore accéléré le traitement des dossiers.

Ce début d’année marque aussi un élargissement significatif : les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 million d’euros par mois pourront bénéficier d’une prise en charge des coûts fixes jusqu’à 70% et d’une aide maximale de 358 millions XFP pour la période de janvier à juin 2021.

Les prêts garantis par l’Etat (PGE) sont le deuxième axe du bouclier économique financé par l’Etat. Ce dispositif a soutenu 869 entreprises pour un montant total de 52 milliards XPF. Prolongé jusqu’au 30 juin 2021, il est désormais possible d’obtenir un différé supplémentaire : soit au total deux ans avant de commencer à rembourser. Cela représente 8 points de la richesse annuelle produite en Polynésie.

Les banques accompagnent les procédures et en cas de difficultés, les entreprises peuvent activer l’IEOM qui peut les aider au moyen d’un dispositif de médiation personnalisé.

*

Je viens de vous exposer la situation mondiale et la manière dont nous entendons nous prémunir de l’introduction des variants du COVID tout en protégeant l’économie et en particulier le secteur du tourisme qui est le plus impacté par les nouvelles mesures.

Il convient maintenant de porter un regard attentif et lucide sur la situation sanitaire en Polynésie.

Pour briser les chaînes de contamination, nous avons pris avec le Pays des mesures fortes dès septembre et octobre 2020 qui ont rapidement enrayé la progression de l’épidémie.

Comme vous le savez, nous nous étions engagés avec le président Edouard FRITCH à faire le point et à réévaluer les restrictions si l’amélioration de la situation se confirmait après les fêtes de fin d’année.

Aujourd’hui, les efforts réalisés depuis de long mois par la population sont incontestablement couronnés de succès.

Un premier chiffre l’illustre : le taux d’incidence était à l’automne dernier au pic de la crise proche de 1 000/100.000 habitants en Polynésie, avant de tomber aujourd’hui à 38/100.000, c’est-à-dire bien en dessous du seuil d’alerte qui se situe à 50 pour 100.000.

Par ailleurs, le nombre de nouvelles contaminations quotidiennes est depuis plusieurs jours inférieur à 50 et le nombre de cas actif est à 78 contre plus de 2000 entre fin octobre et début novembre.

A l’hôpital, la réserve sanitaire nationale s’apprête à quitter le service de réanimation qu’elle renforçait depuis près de 3 mois. Le nombre de réanimation (6) et celui des personnes hospitalisées pour cause de COVID (16) sont le plus bas de ces derniers mois.

Pour le dire simplement, ce sont des nouvelles très encourageantes qui viennent conforter et valider la pertinence et l’efficacité des décisions qui ont été adoptées en Polynésie par l’État et le Pays qui ont toujours tenu à concilier le choix de la contrainte avec celui de la confiance.

Je tiens à cet égard à remercier les Polynésiens pour leur comportement responsable : ils ont contribué à sauver la vie des plus vulnérables et permis de préserver notre système de santé de la saturation comme cela est observé actuellement partout dans le monde.

Je veux également dire à nouveau ma reconnaissance aux Tavanas qui ont su se mobiliser et nous aider à sensibiliser les populations sur les mesures de protection.

Mais je vous l’ai dit, dresser le bilan aujourd’hui doit conduire à rester lucides et raisonnables et à ne pas pécher par excès de confiance : malgré les améliorations, le virus est toujours là et des Polynésiens meurent encore du COVID.

Ainsi, malgré toutes les précautions qui sont désormais prises à l’arrivée des voyageurs, les risques d’une « recontamination éclair » demeurent encore très importants.

La découverte d’un cas de variant britannique en début de semaine doit nous maintenir en alerte.

Nous allons donc maintenir en Polynésie des mesures administratives restrictives pour limiter les risques de transmission.

Je vous en rappelle les grandes lignes :

Les rassemblements de plus de 6 personnes dans les espaces publics et les évènements festifs vont demeurer interdits.

 Les forces de l’ordre vont recevoir des consignes renouvelées de fermeté sur ce point.

Le port du masque dans les centre-villes, les transports et les établissements recevant du public s’imposera toujours.

Le fonctionnement des restaurants sera toujours strictement réglementé et les édifices du culte seront toujours soumis à une limitation de leurs capacités d’accueil.

Les activités comme les bingos, combats de coqs, vides-greniers et compétitions sportives avec public seront également toujours interdites.

En revanche, au terme d’un important travail préparatoire de nos services en lien avec les représentants des professions et les associations, nous avons estimé avec le président Edouard FRITCH que certains aménagements pouvaient désormais être raisonnablement envisagés dans les mesures sanitaires à compter du 15 février 2021 et pour une durée d’un mois.

Ces allègements sont conditionnés à une double exigence :

-d’une part la responsabilité des organisateurs quant au strict respect des protocoles sanitaires.

-et d’autre part la réversibilité à tout moment en cas de dégradation de la situation.

 La première évolution concerne les équipements sportifs couverts, publics et privés, qui seront autorisés à rouvrir pour reprendre leur activité de manière strictement encadrée et progressive.

En accord avec les Tavanas qui avaient été unanimes sur ce point, il s’agit en particulier de permettre à la population, et notamment aux plus jeunes, de

retrouver le plaisir mérité de s’entraîner, de jouer, de canaliser son énergie.

Plus précisément, cela concernera les salles de sport, les gymnases et les salles municipales et du Pays dédiées à l’activité physique.

Cette reprise est conditionnée à la mise en œuvre et à la stricte application de recommandations sanitaires exigeantes, adaptées à chaque pratique sportive et susceptibles d'évoluer dans le temps.

Ces recommandations ont fait l'objet d'un travail en amont, dans la perspective de la reprise de ce secteur, et sont le fruit d'un travail collaboratif entre les services de l'Etat, du Pays, des représentants des salles de sport et des fédérations sportives.

Elles visent à permettre une reprise progressive et raisonnée tout en garantissant la sécurité des professionnels du secteur et des pratiquants.

Les aménagements demandés porteront notamment sur :

  1.  le respect d'une distanciation physique minimale entre les pratiquants, adaptée en fonction de l’activité pratiquée ;
  2.  les lieux communs, tels que les sanitaires et les vestiaires, qui seront aménagés pour favoriser la distanciation physique et seront désinfectés régulièrement ;
  3.  les cours collectifs qui devront être organisés dans des espaces aérés ou dans des espaces clos avec évacuation d'air en extérieur suffisante;
  4.  enfin, les accessoires et appareils sportifs ne pourront être utilisés simultanément par plusieurs pratiquants et seront désinfectés après chaqueutilisation.

Les compétitions sportives seront également à nouveau autorisées mais elles devront être organisées à « huis clos ».

C’est-à-dire qu’elles seront limitées aux compétitions qui se déroulent dans un équipement sportif où l’épreuve ne sera pas accessible au public.

Les services de l’État seront particulièrement vigilants sur ce point : à l’heure actuelle, nous devons toujours éviter les rassemblements aux abords des stades ou sur les plages.

En deuxième lieu, les salles de spectacles et de conférence pourront à nouveau accueillir du public mais en respectant une jauge maximale de 50% de leurs capacités d’accueil habituel et dans la limite de 400 personnes.

Un protocole spécifique destiné à la réouverture des équipements culturels a été préparé par le Pays en lien avec les services du haut-commissariat.

Les spectateurs devront tous être assis et masqués et les espaces de restauration seront interdits pour éviter les contaminations.

Nous comptons à cet égard sur les organisateurs pour être irréprochables et mettre en place une organisation qui respecte les gestes barrières.

Je pense notamment à la vigilance sur les files d’attentes qui ne peuvent se changer en « files de contamination ».

Les musées pourront également accueillir des visiteurs dans la limite stricte de 4m2 par visiteur. Le masque y sera bien entendu obligatoire.

En revanche, les salles des fêtes, salles polyvalentes, tentes et chapiteaux ne pourront pas accueillir de public jusqu’à nouvel ordre.

En troisième et dernier lieu, pour soutenir les restaurateurs, le couvre-feu débutera à 22h le jeudi et le vendredi.

La finalité de cette mesure est de permettre aux restaurateurs de réaliser un deuxième service, donc de les soutenir et de protéger l’emploi ainsi que le niveau de vie d’un secteur très durement touché.

*

En conclusion, si nous parvenons à continuer nos efforts et à une amélioration consolidée de la situation intérieure, nous pourrons envisager à nouveau des évolutions favorables d’ici un mois.

Cela signifie que le dispositif tel que je viens de vous le présenter est en application jusqu’au 15 mars.

Mais comme vous l’avez compris, vu la rapidité d’évolutions de la diffusion de ce virus, ces allègements verront leur respect strictement contrôlé et seront réversibles à tout moment.

De la même je n’exclus pas de nouveaux assouplissement si la situation sanitaire le permet d’ici le 15 mars.

Mais nous ne pouvons pas encore aujourd’hui nous permettre de revenir à une vie normale et de baisser la garde.

Nous ne pouvons pas nous laisser aller car cela compromettrait trop de choses.

Je vous demande donc de faire preuve de beaucoup de responsabilité de façon à préserver nos bons résultats auxquels nous sommes parvenus tous ensemble. Restons vigilants pour la santé de tous.

 

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