17 septembre - Ouverture du 29ème congrès des communes de Polynésie française

Mis à jour le 18/09/2018

Discours de M. René BIDAL, Haut-Commissaire de la République, prononcé par M. Éric REQUET, Secrétaire général, à l’occasion du 29ème congrès des communes de Polynésie Française 17 septembre 2018

   

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président de la Polynésie française,

Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française,

Mesdames et Monsieur les Députés, 

Madame et Monsieur les Sénateurs,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Monsieur le Président du Conseil économique, social et culturel,

Mesdames et Messieurs les Représentants à l’Assemblée de la Polynésie française,

Monsieur le Président du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française,

Monsieur le Président du Conseil Supérieur de la Fonction publique Communale,

Mesdames et Messieurs les Maires,

Mesdames et Messieurs les Maires délégués, les adjoints et conseillers municipaux,

Mesdames, Messieurs les Chefs de services de l’Etat, du Pays et des communes,

Mesdames, Messieurs,

     

Je remercie vivement le Syndicat pour la Promotion des Communes de Polynésie française et son Président, d’avoir une nouvelle fois organisé cette rencontre, ce « creuset polynésien » qui, nourri de vos valeurs, consacre en quelque sorte l’unité républicaine de votre beau territoire dans ses différences. Je remercie bien sûr tout particulièrement Tearii ALPHA, Tavana de Teva I Uta, qui nous accueille dans sa commune.

     

Cette année, vous avez choisi comme thème de réflexion le statut de l’élu communal. Cette question est toujours d’actualité, 229 ans après la création des communes par l’Assemblée nationale constituante les 11 novembre et 14 décembre 1789.

   

Pour évoquer cette question, je remercie le Syndicat pour la Promotion des Communes d’avoir convié M. Jean-Marie BOCKEL, Sénateur du Haut-Rhin. Monsieur le Ministre, les travaux de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation que vous présidez ont retenu toute l’attention des élus de Polynésie française. Le 5 juillet dernier, la Délégation sénatoriale adoptait le rapport, intitulé « Faciliter l’exercice des mandats locaux », qui, en six tomes, aborde autant de thèmes centraux pour les élus locaux. Dans quelques minutes d’ailleurs, vous présenterez ces travaux à nos élus polynésiens, avec Mme Lana TETUANUI. Je sais aussi que le groupe de travail créé par la Délégation sénatoriale, en présence de Madame la ministre Jacqueline GOURAULT, doit formuler des propositions pour améliorer les « conditions d’exercice des mandats locaux ». Ces propositions nourriront la prochaine Conférence nationale des territoires, instance de dialogue voulue par le Président de la République et qui se réunit tous les six mois afin de nouer de nouvelles relations de travail entre l’Etat et les collectivités territoriales.

   

L’amélioration des conditions d’exercice des mandats locaux renvoie à des questions essentielles pour maintenir l’attractivité de cette fonction indispensable au bon exercice de la démocratie locale : comment articuler un mandat local, avec des tâches de plus en plus pointues, avec sa vie professionnelle ? Comment enrayer la perspective d’une crise des vocations dont nous sentons bien les prémices ? Comment concilier le mandat d’élu local avec une vie familiale et professionnelle ? Comment mieux prendre en compte cette responsabilité dans un système de retraite ?

   

L’élu local constitue, à n’en pas douter, le maillon de proximité de la démocratie et sa manifestation la plus concrète auprès de nos concitoyens. Chers Tavana, c’est encore plus vrai en Polynésie française où vous représentez la figure tutélaire auprès de votre population. Vous êtes des maires, des tavana, mais vous êtes aussi le parent proche de la population, le « metua no te nunaa ».

   

Certes, cela vous engage et vous demande un investissement de tous les instants. Les responsabilités qui en découlent sont, elles aussi, croissantes : apporter les services publics fondamentaux à la population, s’assurer de la tranquillité et de la sécurité publiques, réaliser les investissements nécessaires au développement économique et social de votre territoire.

   

Dans tous ces domaines, l’ensemble des services de l’Etat vous soutient, vous appuie et vous conseille car je mesure la lourdeur de cette charge et son enjeu essentiel : assurer la cohésion des territoires polynésiens.

   

Vous en débattrez, mais les différents textes législatifs adoptés ces dernières années ont renforcé ce statut (droit à la formation, charte de l’élu local); ils l’ont aussi modernisé (limitation du cumul des mandats, prévention des conflits d’intérêts).

   

A l’aune de l’échéance électorale municipale de 2020, réfléchir sur le statut de l’élu local devra permettre de susciter un élan vers cette fonction en émettant des propositions de nature à enrayer « la crise des vocations » que d’aucuns décrivent.

   

L’éclairage de ces propositions sous l’angle polynésien où le tavana, particulièrement dans les archipels éloignés, est souvent seul face à sa tâche, amènera, j’en suis convaincu, à des solutions innovantes. J’en veux pour preuve le décret en cours de promulgation qui prévoit la possibilité d’organiser des conseils municipaux en visio-conférence.

Mesdames, Messieurs, 2018 est une année charnière pour les communes de Polynésie française.

Sur le plan institutionnel tout d'abord, plusieurs évolutions majeures sont attendues dans le cadre du toilettage de la loi organique statutaire.

   

Ensuite, s'agissant de l'environnement juridique des communes, j'ai souhaité accompagner cette année un certain nombre d'évolutions devenues nécessaires pour le plein épanouissement de l’institution communale.

   

Tout d'abord, j'ai bien entendu l'an dernier vos difficultés d'appréhension des règles du code général des collectivités territoriales de Polynésie française. C'est pourquoi j'ai proposé au syndicat pour la promotion des communes d'étudier, avec mes équipes, le recensement des difficultés rencontrées afin d'envisager les adaptations qui resteraient nécessaires au contexte polynésien. Par ailleurs, témoin des difficultés structurelles relatives au développement de l'inter-communalité, j'ai également proposé cette année la suppression de la notion de compétence obligatoire pour les établissements publics de coopération intercommunale de Polynésie française et j'ai bon espoir que cette proposition puisse être effective à brève échéance. Enfin, convaincu de la nécessité d'adapter les textes et les pratiques à la réalité du terrain et à ses spécificités, j'ai également soutenu la mise en place d'un dispositif permettant aux communes éloignées (Tuamotu-Gambier) de tenir leurs conseils municipaux par télé-conférence dès cette année.

   

En ce qui concerne la gestion courante des affaires communales, je voudrais souligner l'importance de la réussite de grands chantiers communaux en 2018.

   

Ainsi, sur le plan des ressources humaines, 2018 marque la clôture de la période d'intégration des agents au sein de la fonction publique communale, fixée au 31 juillet. Je souhaite appeler particulièrement votre attention sur l'importance de la bonne finalisation du dernier chapitre de création d'une nouvelle fonction publique. 2018 sera également marquée par le premier toilettage des textes statutaires. 2018 est aussi l'année de mise en œuvre du nouveau code polynésien des marchés publics. Très attendu par les opérateurs du territoire, ce nouvel outil est un gage important de dynamisation de l’économie communale et territoriale. Cependant, son champ d'application constitue un bouleversement inéluctable des pratiques et de l'organisation des achats au sein de vos communes. J'ai conscience du travail important de formation et d’accompagnement que nécessite cette réforme et mes services sont bien évidemment à votre écoute pour vous apporter solutions et conseils.  

   

Mesdames et Messieurs les tavana, l’occasion que vous m’offrez de m’exprimer devant vous aujourd’hui ne serait pas complète si je n’évoquais pas le soutien financier de l’État dont vous bénéficiez chaque année à travers les dotations qui vous sont attribuées.

   

Après une baisse de près de 26% de la quote-part de l’État au FIP sur la période 2013-2017 (quote-part qui est indexée sur l’évolution de la dotation globale de fonctionnement au plan national), la contribution de l’Etat au FIP s’est maintenue en 2018 à son niveau de 2017.

   

En 2018, la dotation globale de fonctionnement représente à elle seule un soutien de 9,3 milliards de F CFP de la part de l’Etat aux communes et communautés de communes. A ce titre, elle constitue le pivot des relations financières entre l'État et les collectivités locales et représente plus de 26% des recettes de fonctionnement des communes en 2018.

   

Corrélée aux effets positifs du dernier recensement de la population pris en compte dans le calcul des dotations 2018, la contribution, toutes dotations confondues, de l’État aux communes et communautés de communes polynésiennes progresse de près de 11,5%, passant de 11,28 milliards de F CFP en 2014 à 12,5 milliards F CFP en 2018.

   

Je veux aussi souligner le rôle primordial des maires qui sont les seuls à connaître leur territoire, leur population et les potentiels de leur commune. Les Tavana, vouent leur action quotidienne à la proximité et sont des relais indispensables sur lesquels l’Etat et le Pays doivent s’appuyer. Les projets de développement économique et les initiatives que vous portez pour les populations dont vous avez la charge sont les piliers de la création de la richesse et de l’emploi.

   

J’en veux pour exemple le contrat de projets 2015-2020, dont l’évaluation à mi-parcours a été lancée, sous maîtrise d’ouvrage du Pays, et pour laquelle le rapport est attendu le 19 novembre prochain. Vous le savez, le contrat de projets soutient les investissements communaux dans les domaines de la distribution de l’eau potable, de la gestion des déchets, de l’assainissement, autant de domaines qui ont un impact direct sur la vie quotidienne des Polynésiens. Sous conditions, il peut également être mobilisé pour la construction d'abris paracycloniques même si je n'ignore pas les difficultés liées à ce type de chantier. Malgré les fortes contraintes budgétaires, je tiens à préciser que, concernant la participation de l’Etat, l’engagement juridique et comptable sera réalisé dès mise à disposition des crédits.

   

En 2018, alors que de lourdes contraintes pèsent sur le budget de l'État, le contrat de projets permet d'accompagner  sept nouvelles opérations pour un total de 1,47 milliard de francs CFP, contre 1,1 milliard en 2017 (soit une progression de 32%). Il nous faut y voir un effort certain et un signe d’encouragement à poursuivre vos actions en matière de déploiement des services publics environnementaux.

   

Sans attendre, je vous invite à vous saisir de toutes les opportunités offertes par l'État, telles que les subventions gérées désormais par l'Agence française pour la biodiversité. Comme je vous l'ai confirmé dans un récent courrier, toutes les communes y sont éligibles. Tahutua, pour ses études de maîtrise d'œuvre, Mahina, pour l'actualisation de son schéma directeur, et le SIVU Pirae-Arue, pour leur schéma directeur d'assainissement des eaux usées, en ont bénéficié au cours des dernières années.

   

Un autre instrument vous est également accessible : l’équivalent fonds vert proposé par l’AFD, destiné à financer les projets environnementaux liés à la lutte contre le changement climatique. En 2017, près d’1,48 milliards de F CFP ont été octroyés par l’AFD, à travers des prêts à 0%, aux collectivités et leurs groupements. Les communes de Moorea, Pirae, Manihi, Punaauia, Raivavae et Makemo ont pu bénéficier de cette facilité l’année dernière à laquelle j’engage les autres communes à recourir.

   

En effet, votre capacité d’autofinancement s’est améliorée en 2016 ; l’AFD relève ainsi que l’épargne brute des communes de Polynésie française s’est améliorée de 27% par rapport à 2015. Le taux d’épargne brute s’élève à 7,1 %, ce qui constitue un niveau relativement élevé par rapport aux communes de métropole ou de Nouvelle-Calédonie.

   

Vous disposez donc d’une capacité de recours à l’emprunt pour financer vos investissements qu’il ne faut pas négliger. Le taux d’endettement de l’ensemble des communes de Polynésie française s’établit à 13,2 % en 2016, bien en dessous de celui des communes calédoniennes qui est de 53 % et métropolitaines qui est de 81 %. Le seuil d’alerte est fixé à 100 %, vous en êtes très éloignés.

   

Si ces dispositifs visent à vous permettre de mener à bien des chantiers majeurs et ambitieux, ils doivent aussi se traduire par un engagement rapide des travaux financés ; car la relance économique doit être soutenue par la commande publique, notamment par le démarrage des chantiers communaux.

   

Mesdames, Messieurs, je souhaite également évoquer une responsabilité que nous partageons tous et dans lequel le triptyque Etat – Pays – Commune est engagé : la protection des populations face aux risques naturels. La saison des pluies va bientôt débuter et nous devrons ensemble venir en aide à nos concitoyens pendant les épisodes de pluies et crues torrentielles susceptibles de survenir. C’est la raison pour laquelle nous nous devons d’agir en amont en entretenant les cours d’eau et les réseaux d’évacuation, en préparant vos services à la mise en alerte, en mettant en place une surveillance des cours d’eau, des zones inondables connues et des réseaux d’eaux pluviales.

   

S’agissant des risques cycloniques, j’ai évoqué tout à l’heure le soutien potentiel du contrat de projets 2015-2020 aux investissements communaux dans les lieux polyvalents à usage mixte. Le programme d’abris anti-cycloniques aux Tuamotu est en cours. Les lieux de mise en sécurité sont en train d’être recensés : gymnases, écoles, lieux de culte. En prévision de la prochaine saison, j’invite les tavana à lancer dans les prochaines semaines une campagne de communication afin de sensibiliser leur population aux risques cycloniques et à leur rappeler les gestes et attitudes à adopter. La brochure, dont j’ai apporté quelques exemplaires ici, est toujours d’actualité. N’hésitez pas à la  disposer dans tous les lieux fréquentés par le public et à solliciter mes services en cas de rupture de stock.

   

La préparation à un autre risque me tient particulièrement à cœur : celle au risque de tsunami. En juillet 2017 et en mai 2018, je vous ai sollicités pour l’élaboration d’un schéma communal d’évacuation des zones submersibles vers les zones refuges, et pour la mise en œuvre d’une signalétique d’évacuation en cas d’alerte. Il s’agit d’identifier visuellement des zones refuge pour les populations résidentes et non-résidentes, mais aussi en faveur des visiteurs, et de mettre en place une signalétique routière immédiatement compréhensible par tous permettant de rejoindre ces zones refuge. La direction de la protection civile a déjà rencontré plusieurs d’entre vous pour effectuer une reconnaissance de ces zones et je vous remercie de l’accueil que vous lui avez réservé. Ce travail est en cours, il doit se poursuivre par la recherche de financements pour mettre en place la signalétique nécessaire. Nous déciderons ensemble de l’outil financier le plus adéquat à mobiliser, mais je privilégierai la DETR. Sur ce sujet également il existe une brochure qui peut à nouveau être diffusée auprès du public. Je vous invite également à prévoir une campagne de communication vous permettant de sensibiliser le plus grand nombre : dans les écoles, les entreprises, lors des réunions publiques...

   

Ces risques naturels auxquels nos îles polynésiennes doivent faire face montrent tout l’intérêt de disposer d’un plan communal de sauvegarde (PCS). Je salue l’excellent travail des maires et de leurs équipes : à ce jour, 47 communes sur 48 disposent d’un PCS approuvé par arrêté municipal, le 48ème est en cours d’étude par la direction de la protection civile. Mais le travail ne s’arrête pas à l’adoption d’un PCS, celui-ci doit être actualisé, les personnels doivent être formés et entrainés, le PC communal doit être testé régulièrement pour être certain que tous les moyens sont opérationnels lorsque la crise survient.

   

Pour agir face à l’exceptionnel, il faut avant tout savoir agir au quotidien. Le maire, dans sa responsabilité de directeur des opérations de secours, est le bras armé de l’Etat. Nos obligations envers nos concitoyens nous commandent de répondre avec efficacité aux demandes journalières de secours. Le centre de traitement des appels 18 est une grande avancée dans ce domaine. Cet outil, qui regroupe pour le moment les communes de Pirae et Arue (après le retrait que j’espère temporaire de Mahina) permet de sécuriser, pour les maires, la réception des demandes de secours tant sur le plan technique que juridique. Couplé au centre 15 du SAMU, il offre une véritable plateforme mutualisée de réponse aux secours d’urgence. Il permet ainsi de regrouper sur une seule et même plateforme, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, la réception des appels aux  deux numéros d’urgence 15 et 18. Je vous invite à étudier votre participation à ce centre de traitement des appels, outil qui vous permettra de mieux répondre aux situations d’urgence vécues par vos administrés. Une adhésion du plus grand nombre facilitera l’identification  des investissements structurants éligibles au contrat de projet.

   

Agir au quotidien, c’est également soutenir la compétence de sécurité civile au sein de vos communes, notamment lors de la création de centres d’incendie et de secours grâce à un financement du FIP à 100 %, la fourniture de matériels et d’équipements de protection individuelle, la formation des sapeurs-pompiers volontaires. Agir au quotidien, c’est vous accompagner dans le domaine de la défense intérieure contre l’incendie qui engage fortement votre responsabilité. Mes services, et notamment la direction de la protection civile, restent à votre écoute sur l’ensemble de ces dossiers.

   

Mesdames et Messieurs les maires, je terminerai mon propos par un enjeu fort pour la démocratie : la mise en place du répertoire électoral unique. Tout en facilitant les inscriptions des électeurs et en allégeant les procédures, ce dispositif met en avant le rôle central des maires dans l’établissement des listes électorales.

La constitution et la fiabilisation de ce répertoire nécessite, dans les prochaines semaines, une forte mobilisation des services de l’Etat, de l’Institut de la statistique de la Polynésie française mais également de vos communes.

   

Afin de faciliter la validation des listes électorales que vous aurez à effectuer à compter de mi-octobre, l’institut de la statistique est amené à solliciter certains d’entre vous pour procéder à des vérifications. Je sais pouvoir compter sur votre engagement pour la démocratie pour y porter la plus grande attention.

   

Chers Tavana, les défis que vous devez relever sont grands, vous avez choisi de vous consacrer à cette belle et noble fonction, celle de vous mettre au service de votre population. Je suivrai avec attention vos travaux qui seront, je n’en doute pas, de qualité et je vous invite à vous imprégner de cette pensée de Saint-Exupéry, « L’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible ».

   

Mesdames et Messieurs les Maires, avec l’énergie et la volonté que nous partageons tous ici de relever ces défis, il me semble que cet avenir est possible.

René BIDAL