Dépôt de gerbe à la stèle de Tavararo

Mis à jour le 29/06/2023

M. Éric SPITZ, Haut-commissaire de la République a participé à un dépôt de gerbe à la stèle de Tavararo dans la commune de Faa’a.

Retrouver l’intégralité de son discours ci-dessous :

Discours du Haut-commissaire de la République, M. Eric SPITZ

– Cérémonie du 29 juin 2023 à Faa'a -

seul le prononcé fait foi

Sur la stèle de Tavararo est inscrit que des Polynésiens de Faa’a sont morts en 1844 pour protéger leur île et leur indépendance. Cette date renvoie à la bataille de Mahaena, qui prend place le 17 avril 1844, dans le contexte de la guerre franco-tahitienne. Au total, quinze soldats français et 102 Tahitiens perdirent la vie durant cette bataille.

La résistance tahitienne continuera jusqu’en 1846, la reine Pomare IV acceptant finalement de régner sous le protectorat français en février 1847. Ce protectorat mènera ensuite à l’annexion française du royaume de Tahiti, le 29 juin 1880.

Près de 180 ans après cette bataille, il nous faut maintenant regarder avec lucidité ce que fut cette période. Période de conquête pour la France, arborant volontiers l’habit flatteur d’un universalisme de progrès. Période de colonisation pour la Polynésie, synonyme de vastes bouleversements sociaux, et de négation d’une civilisation pourtant ancestrale.

Oui, le 17 avril 1844 les Polynésiens de Faa’a défendirent leur île et leur liberté. Ce combat les opposait alors à des Français animés tant par une foi dans leur mission civilisatrice que par l’ambition moins avouable d’étendre leur influence dans le Pacifique.

Si les guerres sont hélas un fait immuable de l’humanité, elles n’ont pas empêché des réconciliations entre les peuples. L’histoire de France est elle-même marquée par de nombreuses batailles. Elles furent sanglantes, parfois inutiles, souvent peu glorieuses. Elles n’empêchèrent toutefois pas la réconciliation entre les peuples, qui exige un effort pour s’extraire du passé et se tourner vers l’avenir. Les 300 000 morts de Verdun n’empêchèrent pas quelques années plus tard une réconciliation franco-allemande que tous alors pensaient impossible. 

Près de deux siècles plus tard, il nous faut maintenant non pas oublier le passé, mais ne pas s’y enfermer. « Je ne suis pas prisonnier de l’histoire » écrivait le martiniquais Frantz Fanon en 1953, « je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée ». Gare à ceux qui voudraient que le passé ne passe pas, alors que l’histoire de la Polynésie française ne saurait être réduite à celle d’une oppression. Elle est autrement plus riche et complexe.

Cette histoire, c’est celle d’un territoire qui sut progressivement faire reconnaitre son identité et sa culture, tout en s’inscrivant dans une République dont les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité sont aujourd’hui partagées par tous les polynésiens.

Cette journée du 29 juin est ainsi représentative de l’histoire de la Polynésie française. Elle impose d’une part un devoir de mémoire, afin que les affrontements de 1844 ne soient pas oubliés. Elle célèbre également l’évolution de la Polynésie française vers une autonomie progressive, lui permettant de préserver son identité dans la République française.

Ces deux visions ne sont pas contradictoires, mais complémentaires. Oui, au nom d’un idéal dévoyé, la France a fait couler le sang à Mahaena le 17 avril 1844. Mais cet épisode tragique ne doit pas occulter, avec le recul du temps, l’affection mutuelle et profonde qui s’est développée entre la France et la Polynésie depuis plus de 150 ans.

Il ne doit pas non plus occulter le chemin parcouru entre Français et Polynésiens. Les innombrables liens créés, les multiples échanges culturels qui perdurent aujourd’hui sont une chance incroyable pour notre République. La Polynésie fait la richesse de la France, et la France respecte l’identité de la Polynésie.

La Polynésie française, c’est aujourd’hui une communauté de destin qui doit faire face à de nombreux défis, ensemble. En ce sens, je remercie le gouvernement de la Polynésie française pour son état d’esprit constructif, en respectant les différentes sensibilités politiques, et en travaillant en bonne intelligence avec l’État.

Aujourd’hui une nouvelle page de l’histoire polynésienne reste à écrire. Pour servir aux mieux les citoyens du Fenua, elle doit être celle d’une société d’espérance, non de rancœur. Souhaitons alors que cette journée soit celle non d’une mémoire empêchée, mais apaisée.